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Chers lecteurs, vous ne le savez peut-être pas encore, mais la vigne et le vin sont largement influencés par cette petite planète qui tourne autour de nous. Ça vous parait lunaire ? Pour tout vous expliquer, Pulpe est parti au Château Lapelletrie, situé non loin de Saint-Emilion, pour rencontrer Mathieu Huguet, fondateur du Cabinet conseil Sadon Huguet spécialisé en biodynamie, et lui demander : mais pourquoi faut-il une belle lune pour faire du vin ?
©Mark Tegethoff
Vous ne rêvez pas, la lune joue bien un rôle très important dans la culture de la vigne, mais aussi dans la vinification. À vrai dire dans toutes les étapes, jusqu’à la mise en bouteille. L’influence de la lune est au cœur de ce qu’on appelle la biodynamie, un mode de culture qui a été théorisé dans les années 1920 par Rudolf Steiner.
Il y a quelques années, j’ai dégusté des vins à la barrique, chez l’un de mes clients. Nous nous sommes rendu compte que nous n’arrivions pas à nous mettre d’accord sur le goût, à avoir le même ressenti au fil des dégustations, sans comprendre pourquoi.
Plus tard, je croise, lors d’une formation, Jacques Fourès, un spécialiste de la biodynamie qui nous explique le rôle de la lune et de ses cycles sur la vigne, le vin et la dégustation. Ses observations collaient parfaitement avec ce que nous avions ressenti lors de cette dégustation.
Pour schématiser, disons que la lune exerce un pouvoir d’attraction sur la terre : son impact joue et se mesure beaucoup sur l’eau. L’exemple le plus parlant est bien sur les marées et la variation des cours d’eau. Et bien, de la même façon, tout ce qui est liquide va subir l’influence de la lune. Or l’eau a une place prépondérante, dans la vigne comme dans le vin.
Très concrètement, on va établir un calendrier biodynamique qui détermine quatre types de jours : les jours “racines” sont privilégiés dans le travail des tanins. Les jours “fruits” sont très recherchés pour les vendanges ou la mise en bouteille : c’est là que les qualités aromatiques du raisin s’expriment le mieux. Et quand les jours “fleurs” permettent d’augmenter les notes florales, typiquement pour les rosés et les vins blancs, les jours « feuilles », eux, sont des jours à éviter car ils vont avoir tendance à liquéfier le vin.
De fait, il n’y a pas de bon ou de mauvais jour, tout dépend de ce que l’on recherche. À titre personnel je travaille beaucoup sur les jours “racines”. C’est une autre manière d’appréhender la vigne et le vin.
À peu près toutes ! Par exemple, la lune active les micro-organismes présents dans le vin : plus elle est proche, plus la vie microbiologique sera activée.
On peut même pousser la logique jusqu’à la confection des barriques et des foudres. Il est en effet conseillé d’abattre les arbres en lune descendante, de telle sorte que la circulation de la sève facilite le séchage du bois.
En fait, ce sont des pratiques agricoles très anciennes : la lune a toujours influencé l’Homme et sa façon de cultiver, mais c’est longtemps resté une tradition orale, non codifiée. Ce n’est que dans les années 1920 que ces pratiques ont été théorisées par Rudolf Steiner dans son Cours aux agriculteurs. Tous ces travaux ont influencé de nombreux agronomes comme Maria Thun qui a été la première à éditer un calendrier biodynamique en s’appuyant sur des travaux de maraîchage.
La biodynamie c’est surtout une agriculture de résilience. L’objectif est de rendre la plante plus forte, sur du long terme, pour plus facilement faire face aux aléas climatiques. La vigne en biodynamie est plus résistante à ces changements. C’est donc une culture d’avenir.
L’une des pratiques emblématiques dénommée Bouse de corne, s’appuie sur de la bouse de vache pour mieux soigner et stimuler la vie du sol. La matière organique est ensuite répandue au niveau du sol pour être assimilée par la vigne. Pour les traitements, nous utilisons des tisanes ou des décoctions de plantes. Le tout est d’avoir recours dans un élément naturel, à un principe actif qui va stimuler les défenses de la plante, et donc la protéger.
Ce sont trois approches différentes. Si je devais le résumer en une image, disons que le viticulteur en pratique conventionnelle bénéficie des progrès de la science et de la mécanisation des travaux. Le viticulteur en agriculture biologique va descendre de son tracteur et prêter une attention particulière à son sol. En biodynamie, il plonge au cœur de la plante pour comprendre comment elle fonctionne et interagit avec son environnement.
Il n’existe pas de hiérarchie entre ces différentes approches : à chacun son savoir-faire, pour peu que l’on évite les excès.
En Gironde, 89 propriétés viticoles sont certifiées à ce jour. Le plus simple est de pousser la porte des propriétés pour en parler avec les vignerons et vigneronnes.